À la conquête de la Barossa Valley

David Powell se destinait à devenir comptable jusqu’à ce qu’il découvre l’univers du vin au côté de l’un de ses oncles. C’est ainsi qu’il a commencé sa carrière en tant qu’assistant œnologue chez Rockford, l’un des domaines les plus célèbres de la Barossa. Sa passion pour la Shiraz l’a conduit à se rendre en Europe et aux Etats-Unis pour étudier le comportement de ce cépage dans différents vignobles.

Dans les années 1990, il découvre des parcelles de vieilles vignes laissées à l’abandon et réussi à trouver un accord avec le propriétaire des lieux pour obtenir le droit de les cultiver. En 1995, David produit ses premiers vins et donne naissance à la marque Torbreck. Il s’inspire de ses voyages dans la Vallée du Rhône pour produire des Shiraz à la fois élégantes et précises. 

En 1999, le célèbre critique Robert Parker, émet un jugement favorable sur Torbreck qui fait augmenter la demande de façon exponentielle. Pour s’adapter à son marché, David envisage de racheter un domaine d’une centaine d’hectares au cœur de la Barossa Valley. Malheureusement, il connaît d’importants problèmes financiers et se retrouve contraint de vendre la propriété à un homme d’affaires australien en 2002. 

Pour assurer la continuité, Jack Cowin, le nouveau propriétaire a proposé à David de rester aux commandes de la production. En 2008, le domaine est cédé à Peter Knight, l’un des plus célèbres producteurs de vin en Californie. Ce dernier s’associe à David pour racheter Torbreck et fait construire un chai gravitaire ultramoderne afin que tous les travaux puissent être effectués sur place (analyses, élevage, étiquetage, embouteillage, vinification). 

Quelques années plus tard, le domaine s’est lancé dans l’œnotourisme en construisant un espace d’accueil à proximité des installations techniques et du vignoble. L’ensemble des investissements réalisés par Peter Knight ont permis à Torbreck de s’imposer comme l’une des marques les plus prestigieuses de la Barossa Valley. 


Torbreck Vintners espace oenotourisme
Espace oenotouristique construit en 2017

Torbreck Vintners, un trésor préphylloxérique à perpétuer

Chaque année, Torbreck vinifie les raisins provenant de 108 hectares répartis sur 10 vignobles situés dans la Barossa Valley. La majeure partie de ces parcelles appartient à la propriété (84 hectares), les autres sont louées et gérées par les équipes du domaine (24 hectares). 20 % des vignes exploitées ont entre 80 et 160 ans, leur niveau de rendement est donc particulièrement faible. Pour autant, elles offrent un grand nombre d’avantages :

  • Le réseau racinaire développé au fil du temps leur permet de puiser de l’eau en profondeur. Ainsi, certaines parcelles peuvent produire sans irrigation.
  • Les raisins produisent une acidité plus élevée et un PH plus faible, il n’est donc pas nécessaire de procéder à des corrections durant les vinifications. 
  • Les raisins sont particulièrement concentrés et permettent d’élaborer des vins alliant complexité et structure.
  • Le processus de maturation est plus régulier au cours du cycle végétatif.

Les parcelles sont situées entre 150 et 300 mètres d’altitude et se composent majoritairement de loam argilo-sablonneux en surface et de calcaire en profondeur. Afin de s’adapter aux conditions climatiques extrêmes de la région, la majeure partie du vignoble bénéficie d’un système d’irrigation goutte-à-goutte. En parallèle, la taille est adaptée pour éviter que les raisins ne subissent des brûlures. Les vignes sont pour la plupart conduites en couronne et font l’objet d’une taille courte. 

Dans le vignoble, l’encépagement se compose majoritairement de variétés rouges (Grenache, Shiraz, Mourvèdre) mais l’on retrouve également une part non-négligeable de variétés blanches (Marsanne, Roussanne, Sémillon, Viognier).

Depuis la construction des nouvelles installations en 2008, le style de vin a considérablement évolué. Le système gravitaire permet de limiter la trituration des raisins et la pression exercée sur le moût. Ainsi, la vinification s’effectue de façon plus douce. 

En parallèle, des nouvelles techniques ont été mises en place afin de produire des vins plus frais et plus élégants. Les raisins sont récoltés plus tôt et bénéficient d’une macération pré fermentaire à froid, d’une extraction plus légère et d’une macération post-fermentaire.

L’utilisation de barriques neuves a été considérablement réduite, désormais, l’élevage s’effectue généralement dans des barriques usagées ou dans des contenants plus importants (300 à 500 litres, foudres). Chaque année, Torbreck produit environ 850 000 bouteilles reparties en différentes gammes que l’on retrouve sur la plupart des marchés mondiaux.

Le défi d’une vie pour Nigel Blieschke

Nous avons été reçus chez Torbreck par Nigel Blieschke, le responsable d’exploitation du vignoble. Après avoir découvert les installations techniques, nous avons passé près de deux heures dans les vignes en sa compagnie. Cette mise en situation nous a permis d’appréhender l’importance de la viticulture dans le processus de production. En plus d’être particulièrement agréable et généreux, Nigel est un homme passionné qui présente son travail avec beaucoup de pédagogie.

Après avoir obtenu son diplôme de viticulteur à l’université d’Adélaïde, il a rejoint Yalumba (domaine viticole historique de la Barossa Valley), en tant qu’ouvrier viticole en 1996. Son savoir-faire et sa détermination lui ont permis de grimper les échelons au sein de l’entreprise jusqu’à son départ pour Peter Lehmann en 2008 (l’une des plus grandes propriétés de la région). Il a occupé le poste de viticulteur en chef pendant sept ans avant de rejoindre Torbreck Vinters en 2015. 

Peter Knight, le nouveau propriétaire des lieux, a réussi à le convaincre de rejoindre ses équipes en lui confiant les rênes de l’ensemble des parcelles du vignoble. L’une de ses premières missions a été de restaurer, puis de replanter des pieds de vigne datant du XIXe siècle. En parallèle, il a dû trouver des solutions pour limiter le développement de maladies, stabiliser les rendements et optimiser les coûts de production.

Dès son arrivée dans l’entreprise, Nigel a découvert que la majeure partie des parcelles de Shiraz était touchée par le champignon responsable du développement de l’eutypiose. Cette maladie se repend généralement après un épisode pluvieux lorsque la vigne est en période de dormance. Les éléments nécessaires à la formation du champignon se déposent sur les plaies issues de la taille de la vigne et migrent ensuite dans les tissus sous-jacents. Le champignon va alors se développer puis coloniser les tissus ligneux pour former des nécroses sectorielles de couleur brune. À partir de ce moment, l’eutypiose va se manifester par un rabougrissement des rameaux qui va engendrer des feuilles en mauvais état (chlorosées, crispées, déchiquetées). Les nécroses peuvent se généraliser et provoquer une inflorescence, des grappes millerandées puis la mort d’un bras du cep de vigne.

Nigel a dû procéder à une analyse approfondie de l’état de santé du vignoble. II a préservé les parcelles centenaires de la propriété en restaurant les pieds malades. Malheureusement, il n’était économiquement pas envisageable d’appliquer cette méthode à l’ensemble du vignoble et certaines parcelles ont dû être arrachées. Avant de procéder à une campagne de replantation, il a formé ses équipes à de nouvelles méthodes de taille qui limitent la formation de grosses plaies. En parallèle, il a repensé la conduite du vignoble et a mis en place un nouveau calendrier des travaux de la vigne en hiver. Désormais, la taille s’effectue le plus tardivement possible (juste avec la période des pleurs) afin de limiter les risques d’eutypiose.


Bigel et Bastien Torbreck Vintners
Nigel et Bastien dans le vignoble

Notre coup de coeur de chez Torbreck Vintners

Cuvée RunRig 2018

Cette cuvée iconique de chez Torbreck s’affirme, année après année, comme l’une des références de la Barossa Valley. Les équipes de la propriété s’inspirent des techniques de vinification de la Vallée du Rhône Septentrionale pour produire des vins élégants et structurés. À l’image des plus grands Côte Rotie, la Shiraz (98%) est co-fermentée avec du Viognier (2%) pour renforcer la structure aromatique et stabiliser la couleur du vin.

L’été chaud et sec a permis d’obtenir des raisins particulièrement concentrés pour réaliser ce millésime 2018. On retrouve donc une robe pourpre et un bouquet aromatique avec une dominante de fruits noirs (cerise, mûre, prune) et d’épices (poivre blanc, réglisse) au nez. Des notes herbacées (eucalyptus, laurier, menthe) viennent apporter une touche de fraicheur.

Pour rendre cette cuvée plus accessible, tout en conservant la durée d’élevage de 30 mois, la part de barriques neuves (50%) a été réduite au profit de barriques usagées (50%). En parallèle, les lies sont conservées au cours de l’élevage pour renforcer les arômes primaires et apporter de la rondeur. Cette technique permet également de ralentir les processus oxydatifs et de stabiliser le vin dans le temps.

En bouche, la structure tannique s’exprime avec souplesse et laisse imaginer un potentiel de garde impressionnant. La finale est d’une précision remarquable, elle laisse s’exprimer un parfait équilibre entre l’acidité, l’alcool (15%), les tannins et la concentration aromatique. 

Prix : 300$ (dollar australien)

Note Flowine : 17,5/20


Cuvée RunRig 2018

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *