L’histoire du vignoble chilien
L’histoire de la viticulture chilienne a débuté au XVIe siècle avec l’arrivée des conquistadors espagnols. Les missionnaires catholiques, emmenés par Francisco de Carabantes, ont planté les premiers ceps de vigne en 1548. A l’époque, la production était uniquement dédiée à l’élaboration du vin de messe. Comme l’ensemble des autres colonies espagnoles en Amérique Latine, le Chili fût concerné par l’édit du roi d’Espagne Charles II qui interdisait la viticulture en dehors des pratiques religieuses.
À partir du moment où le pays a obtenu son indépendance en 1818, des fermiers ont commencé à produire leur vin à base d’un cépage rouge nommé Païs. Ensuite, il a fallu attendre la fin du siècle pour voir apparaître de nouvelles variétés sur le sol chilien. Au cours de cette période, une épidémie de phylloxéra a ravagé la majeure partie du vignoble européen. Pour préserver le patrimoine génétique de leurs vignes, des producteurs ont fait envoyer des plants en Amérique du Sud.
En parallèle, de nombreux acteurs de la filière viticole européenne ont été contraints de quitter le vieux continent pour retrouver du travail. Cette vague migratoire a été particulièrement bénéfique pour le vignoble chilien. L’arrivée de cette main d’œuvre qualifiée a permis d’optimiser les pratiques culturales tout en modernisant les techniques de vinification.
Ce développement éclair a permis au Chili de s’imposer comme le fer de lance de la viticulture sud-américaine au début de XXe siècle. En quelques décennies, certaines propriétés viticoles ont acquis une renommée internationale. En 1912, Viña Undurraga fut le premier domaine chilien à exporter ses vins aux Etats-Unis. Quinze ans plus tard, Concha y Toro réussit à commercialiser ses cuvées haut de gamme sur le continent européen. La même année, la marque est devenue la première société viticole d’Amérique du Sud à être cotée en bourse.
Malgré une instabilité économique, politique et sociale, la viticulture chilienne a réussi à se développer de façon plus ou moins régulière jusqu’à l’arrivée au pouvoir du général Augusto Pinochet en 1973. L’instauration de la dictature a contraint certains acteurs de la filière viticole à quitter le Chili. Au même moment, les décisions prises par le nouveau gouvernement ont entraîné une chute de la croissance économique. Cette crise a freiné le développement de l’industrie viticole chilienne jusqu’en 1985.
À partir des années 1990, le vignoble chilien reprend sa marche en avant grâce à l’arrivée de nouvelles technologies en provenance d’Europe et des Etats-Unis. À l’image de François Lurton, plusieurs grands œnologues français ont participé au développement de la viticulture chilienne au cours de cette période. L’augmentation de la qualité des vins et la mise en place d’un système d’appellation (1995) ont permis au Chili de s’affirmer comme l’un des leaders de la viticulture mondiale.
La viticulture chilienne en chiffres
Le vignoble chilien est situé entre le 29e et le 38e parallèle Sud. Il s’étend sur une zone longue de 900 kilomètres du nord au sud et large de 100 kilomètres d’est en ouest. Les 210 000 hectares de vignes permettent de produire chaque année près de 12,1 millions d’hectolitres. Cela fait du Chili le 1er producteur d’Amérique du Sud derrière l’Argentine et le 6e à l’échelle mondiale. En moyenne, 74 % de cette production est exportée, ce qui permet au Chili d’occuper le 4e rang en mondial des exportations en volume et le 5e en valeur.
L’encépagement est dominé par les variétés destinées à l’élaboration de vins rouges (73 %). Contrairement aux idées reçues, le cépage phare du Chili est le Cabernet Sauvignon (30,3 %) et non le Carménère (7,5 %). On retrouve également une part importante de Sauvignon Blanc (11,4 %), Merlot (8,6 %) et Chardonnay (8,3 %).
De manière générale, le vignoble chilien jouit d’un climat méditerranéen favorable à la viticulture. Le courant de Humboldt et l’air descendant des montagnes permettent d’obtenir une amplitude thermique diurne, particulièrement importante. Ainsi, les nuits fraîches ralentissent la diminution des arômes et de l’acidité des raisins pendant la phase de maturation.
Les deux caractéristiques majeures de la viticulture chilienne sont l’absence de pluie et l’ensoleillement continu au cours du cycle végétatif. Cela permet à la fois d’optimiser la maturation des raisins et d’éviter la prolifération des maladies cryptogamiques. Pour autant, la combinaison de ces deux facteurs contraint les vignerons à irriguer pour éviter que les vignes ne souffrent d’un stress hydrique trop important.
En parallèle, une gestion spécifique doit être mise en place pour que la conduite du vignoble s’adapte au climat. On retrouve généralement une faible densité de plantation (3 000 et 5 000 pieds à l’hectare) pour limiter la concurrence à l’accès à l’eau. Les vignerons doivent également être vigilants à la gestion de la canopée pour protéger les raisins des risques de brûlures. La plupart d’entre eux optent pour un palissage vertical adapté de façon à ce que l’extrémité des rameaux retombe pour créer une ombre protectrice.
Les principales zones de production
Le système d’indication géographique chilien divise les vignobles en denominaciones de origen (DO). On retrouve quatre régions principales qui sont elles-mêmes divisées en treize sous-régions.
Région de Coquimbo
La plus au nord est la région de Coquimbo, elle jouxte le désert d’Atacama et se compose des vallées d’Elqui, du Limarí et du Choapa. Leur climat chaud et sec est tempéré par le courant de Humboldt ou par l’air descendant des montagnes. À l’origine, ces trois sous-régions étaient entièrement dédiées à la production d’une eau-de-vie de vin nommée Pisco. Désormais, elles sont reconnues pour la qualité de leurs vins blancs. On retrouve certains des plus grands Chardonnay du Chili dans les vallées d’Elqui et du Limarí.
Région d’Aconcagua
Plusieurs centaines de kilomètres au sud de Coquimbo, nous retrouvons la région d’Aconcagua et ses trois sous-régions. La première d’entre elles est la vallée de l’Aconcagua. Cette zone étroite et escarpée bénéficie d’un climat particulièrement chaud et sec au cours du cycle végétatif. Les cépages dominants sont le Carménère, le Cabernet Sauvignon et la Syrah. On retrouve généralement des vins rouges particulièrement concentrés avec des niveaux d’alcool et de tannins élevés.
Les deux autres vallées de la région d’Aconcagua sont celles de Casablanca et de San Antonio. Elles sont situées à proximité de l’océan Pacifique et bénéficient d’influences rafraîchissantes tout au long de l’année. L’encépagement se compose majoritairement de variétés adaptées au climat frais : Chardonnay, Pinot Noir et Sauvignon Blanc. Ces vins se démarquent généralement par leur élégance et leur remarquable équilibre.
Région de la Vallée Centrale
Du sud de Santiago jusqu’au nord de la Vallée d’Itata, la région de la Vallée Centrale s’étend sur près de 400 kilomètres. Cette vaste zone au climat chaud et sec abrite la majeure partie du vignoble chilien. Elle est presque totalement encerclée par les montagnes et ne bénéficie que très peu de l’influence rafraîchissante du courant de Humboldt. Les meilleurs sites de production sont situés sur les contreforts de la cordillère des Andes. L’air venu des montagnes tempère le climat en offrant des nuits particulièrement fraîches. Pour autant, la majeure partie des raisins produits dans la région est destinée à l’élaboration de vins de table.
La Vallée Centrale est divisée en quatre sous-régions. Au nord, la Vallée de Maipo offre d’élégants Cabernet Sauvignon aux notes mentholées. En allant vers le sud, on retrouve la Vallée de Rapel. Cette sous-région est elle-même divisée en deux vallées appelées Cachapoal et Colchagua. Certaines zones tempérées par des brises océaniques produisent de grands vins rouges à partir de Carmenère, Cabernet Sauvignon et Syrah.
Les deux dernières sous-régions sont les Vallées de Curico et de Maule. Elles sont situées à l’extrémité sud de la Vallée Centrale. Grâce à leur climat chaud et leurs sols fertiles, elles peuvent produire de gros volumes de raisins. La majeure partie de la production locale est donc destinée à l’élaboration de vin bon marché.
Région Sud
Comme son nom l’indique, la région Sud est la zone méridionale du vignoble chilien. Elle est la seule à devoir composer avec un climat frais et humide. Bien qu’elle soit encore peu exploitée, cette région offre un véritable potentiel. Les effets du réchauffement climatique ont conduit les acteurs de la filière à mener des expérimentations dans ces trois sous-régions. Pour l’heure, les essais réalisés à partir de cépages généralement adaptés aux climats frais (Chardonnay et Pinot Noir) ont donné des résultats encourageants.